René Darley
René est né le 2 janvier
1905 à Vanlay. Il est le cinquième enfant de la famille et est mis en nourrice
comme tous ses aînés chez Angèle, la nourrice familiale des enfants Darley à
Vanlay.
Il suit ses parents en 1907 lorsqu’ils
viennent s’installer dans la ferme Maire à Avalleur. Il fera des études
primaires, d’abord à l’école du village, puis dans une école libre de Bar sur
Seine, enfin à l’école publique. A 12 ans il rentre à la ferme où il a la
responsabilité du troupeau de vaches, 25 environ. A 18 ans il suit les cours
d’agriculture qui ont lieu pendant 4 mois d’hiver au lycée de Troyes, pendant 2
années. Le reste du temps il travaille à la ferme.
Sa mère meurt en 1921, il a
16 ans.
Conscrit en 1925 et
« Bon pour le service militaire » de 18 mois, il est envoyé au 4ème
régiment d’Infanterie à Sens pendant 6 mois. Il se porte volontaire pour le
Maroc mais est envoyé en Syrie qui, à l’époque, est protectorat français. Il
séjourne une année à Omms et à Leps,
où il sera vaguemestre. Démobilisé, il rentre en France via Constantinople. Il
trouve du changement à Avalleur : son père a quitté la ferme pour
s’installer à Bourguignons et Fernand est parti depuis 6 mois pour le Maroc.
René le rejoint alors, avec un pécule de 3.000 francs donné par son père pour
qu’il puisse vivre en attendant de trouver du travail.
Il trouve alors une place de
chauffeur de car dans une entreprise de Casablanca appartenant à un ancien barséquanais, et pendant une année, il fera quotidiennement
le trajet Casablanca – Boullaud.
Puis il ira travailler dans
une grosse exploitation de la région de Meknès - ferme Masson – de 300 ha qu’il
faut défricher et il y restera environ deux ans. Ce sont de très belles terres,
bien travaillées, qui donnent de belles récoltes de céréales, de légumineuses etc … Il aura en particulier la responsabilité de l’élevage
ovin.
Dans les années 1930 / 31 il
s’associe avec Fernand pour prendre en location et exploiter une ferme
importante toujours dans la région de Meknès, à Sidi Bouskri. Son père vient
les voir et les aidera financièrement pour passer un cap difficile dû à
plusieurs années de faibles ou mauvaises récoltes, dont ils sortent enfin
correctement.
Fernand s’étant marié en
1933, rené rejoint Roger et Suzanne Rance, sa sœur, dans leur ferme à Ain Toto dans le Moyen Atlas, louée à un
français et à vocation essentiellement d’élevage ovin et bovin.
En 1935 René se marie ave c
Andrée Grivotet de Châtillon sur Seine (Côte d’Or) et
tous deux reviennent au Maroc poursuivre leur association avec les Rance.
En 1937, son beau-père M. Grivotet, important commerçant en bestiaux de Châtillon,
lui demande de revenir l’aider dans son commerce, ce qu’il fit.
Un jour de chasse, à Polisy,
avec Paul Boget de Bar sur Seine, oncle de Roger Rance
et ami intime des Seurat, et qui connaissait très bien Mme de Châtillon
propriétaire d’une ferme – Beauregard – sur le plateau, René remarque ces
terres presque en friche. Il pense alors qu’elles pourraient lui être utiles
pour y mettre et engraisser ses bêtes, projet qu’il réalisera en prenant la
ferme en location.
Il décide de la mettre en
valeur et, mettant à profit son expérience marocaine dont les techniques
culturales étaient plus en avance qu’en France, il investit tout son capital –
30.000 francs à cette époque – en matériel : tracteur à chenilles,
charrues à disques, déchaumeuse, etc… En bon Darley,
il est précurseur et on vient le voir travailler, même de nuit :
progressivement la ferme est remise en état et les terres prêtes aux cultures.
En Septembre 1939, la guerre
– la seconde – éclate : il est alors mobilisé mais avec son camion à
bestiaux réquisitionné par l’armée française. Envoyé d’abord à Beaune, il va
ensuite en Alsace, à Riquevihr, toujours avec son
camion, où il sera confortablement installé chez l’habitant.
En juin 1940, dans la grande
débâcle générale, il est fait prisonnier par les allemands et emmené en colonne
vers l’Allemagne. Comme cela ne lui convient pas du tout, il décide de
s’enfuir, ce qu’il fait dans des conditions surprenantes et dangereuses (voir
l’excellent compte-rendu de cette épopée). Il finit, après des jours de marche
en se cachant des allemands, par rejoindre Châtillon. Pour ne pas être arrêté
il se réfugie à la ferme de Beauregard, considérée comme abandonnée. Il y
restera, avec sa famille, toute la durée de la guerre. La ferme ne dispose ni
d’électricité ni d’eau courante mais en cette période de pénurie générale,
alimentaire et matérielle, vivre à la campagne permettait de se nourrir et,
contre échange, de se procurer pas mal de produits divers ; il profita de
cette situation mais généreux, en fit profiter également parents et amis.
Il fut étroitement mêlé aux
activités de la Résistance aux allemands : les grandes étendues sur le
plateau, donc relativement isolées, étaient très propices aux parachutages.
Surveillé par la police allemande, il a été sauvé par le téléphone qu’il avait
installé car M. Demussy de Gyé
sur Seine l’avait averti de l’arrivée des allemands, ce qui lui permit de
s’enfuir et de leur échapper. Une autre fois, ce sont les gendarmes des Rycées qui sont venus le prévenir, de nuit par les chemins
vicinaux de Balnot, qu’il était placé sous surveillance. Une fois aussi les
allemands l’avaient convoqué car ils étaient intrigués par l’appellation anglo-saxonne
de « Darley ».
Malgré toutes les
difficultés dues à la guerre, l’exploitation évoluait : tout était
défriché et donnait de belles récoltes. René avait acheté en 1940 une
moissonneuse-lieuse Mac-Cormick d’origine américaine
à un agriculteur de Meaulne dans l’Yonne (qui ne
savait pas s’en servir). Il acheta ensuite, après-guerre, une moissonneuse
batteuse automotrice John-Deer de 3,5 mètres de
coupe. Là aussi l’expérience marocaine lui a été profitable et utile.
Pour ne pas livrer les
récoltes aux allemands, il les cachait dans différents endroits de la région,
mais une fois, furieux de ne rien trouver, les allemands ont bien failli
l’arrêter et l’emprisonner. Heureusement ils se contentèrent de prendre toute
la récolte d’orge existante, sans indemnisation, ce que René malgré tout
préféra.
La guerre terminée, la vie
reprit son cours normal et René joua un rôle de plus en plus important dans les
associations agricoles, en particulier dans les coopératives, de Gyé sur Seine, puis de Bar sur Seine dont il devint le
président : c’est sous son autorité que furent construits les grands silos
de cette coopérative (en 1959).
Son fils Philippe, s’étant
marié en 1962 et installé à Beauregard, René et Andrée quittèrent la ferme pour
aller à Bar sur Seine, en 1963. Il prendra définitivement sa retraite
d’exploitant agricole en 1969. Ils résident toujours dans cette belle et vaste
maison qu’ils ont bien aménagée.
Mais cet exposé de faits et
évènements concernant René serait incomplet si on ne rappelait pas la place d
premier ordre qu’il a tenue au sein de la grande famille Darley : en
effet, bien que n’étant pas l’aîné des 10 enfants, c’est lui qui, après la
disparition de son père Alphonse, en est devenu le Pater familias, conseillant,
aidant aussi bien financièrement que matériellement et moralement, tans ses
frères ou sœurs que ses neveux, nièces ou même amis. Tous étaient les bienvenus
à Beauregard, à titre individuel ou collectif. C’est dans cette grande et belle
ferme, modernisée et impeccablement entretenue que se sont tenues les grandes
réunions des Darley, où se sont retrouvés, comme en 1995 pour les 90 ans de
René et les 50 ans de mariage, toutes générations confondues, la presque
totalité des membres du clan Darley venus pour cette fête de toutes les régions
de France et même du monde entier avec des résidents des USA, Brésil, Maroc,
Italie etc… Par tous, sans exception, il a été
reconnu comme le patriarche de la famille Darley, tire justifié par sa forte
personnalité, pas ses qualités humaines et par sa compétence professionnelle.
René a toujours eu un
caractère éminemment sociable : bon vivant il aimait la vie, rire, boire
et chanter, être entouré d’amis et de parents. Il s’est toujours bien entendu
avec son entourage, avec ses frères, sœurs, beaux frères etc…
Il était fidèle dans ses affections et ses sentiments.
Serviable et généreux, il aidait ceux qui en avaient besoin : il n’a jamais refusé une aide sollicitée et l’accordait sans calculs intéressés. Aussi, pendant la guerre il a fait profiter beaucoup de monde des produits alimentaires et de ses récoltes. Il a participé financièrement aux entreprises de ses frères ou de ses neveux, souvent sans documents écrits : sa parole suffisait et personne n’eut osé de ne pas tenir la sienne.
Il était et est encore de
bon conseil et nombreux sont ceux qui sont venus lui demander avis lorsqu’ils
passaient des moments difficiles.
René fait partie de ces
hommes dits « éclairés » c'est-à-dire ouvert sur le monde et lucide,
toujours avide de s’instruire, de voir des choses nouvelles dans tous les
domaines, de comprendre les évènements et leur évolution. Pour cela il lisait –
et lit encore – beaucoup, voyageait dans le monde entier, des Amériques à
l’Asie, d’Europe à l’Afrique dans un but d’intérêt général plus que touristique.
Enfin il faut mentionner la vie exemplaire de sa propre famille due certes à ses qualités personnelles, mais aussi pour une grande part à son épouse Andrée qui l’a accompagné tout au long de sa vie riche et intéressante. Pleine de ressources, généreuse, toujours accueillante et aimable, gaie, travailleuse elle a soutenu et aidé René dans tous les domaines de cette vie rurale pour laquelle elle n’avait pas été préparée puisque d’origine urbaine. Elle lui a, entre autres bienfaits, donné une belle famille de quatre enfants, bien élevés et bien éduqués. Après le mariage, en 1963, de son fils Philippe qui reprend la ferme, René et Andrée déménagent à Bar sur Seine en 1964.
En 1995, pour les 90 ans de René et les 60 ans de mariage avec Andrée, une grande réunion de famille a eu lieu à Beauregard.
PS : - René est décédé
à Bar sur Seine le 5 juillet 1997 entouré des siens. Il avait 92 ans.
- Andrée est décédée à Bar sur Seine en
2003
Rédigé ……(date)………………..par Jacques Leclerc